Foot féminin, la marche en avant

Sandrine Ringler, ancienne internationale, est devenue conseillère technique régionale pour le football féminin en Alsace. Elle revient sur le développement de la pratique et ses ambitions. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un système cohérent

 

Avant la création du pôle espoir de Strasbourg, les meilleures joueuses n’avaient d’autre choix que de rallier Lyon ou Paris. « A l’époque, le fait d’être à haut niveau était compliqué par la distance. Aujourd’hui, le pôle facilite la situation. Nous avons d’ailleurs trois filles en équipe de France des moins de 17 ans ».

« Elargir la base »

Ancienne joueuse, Sandrine Ringler, agit depuis 1998 pour la fédération française de football dans le développement du foot féminin. « Je suis entrée à la fédération en 98 en tant qu’emploi jeune et j’ai été embauchée en 2001. La fonction de cadre technique existait alors déjà chez les hommes. La fédération a souhaité voir l’arrivée de salariées femmes pour porter le projet de développement féminin au niveau du foot. Paradoxalement, l’encadrement est devenu mixte mais reste toujours exclusivement masculin pour le foot des garçons ». La mission de Sandrine Ringler est quadruple : formation des cadres et des entraîneurs, faciliter l’accès au foot à toutes les filles quel que soit l’âge, détecter les potentiels et ainsi alimenter les sélections départementales et régionales et mettre en place des structures dédiées au haut niveau. « Il s’agit notamment de sections sportives, de centres de perfectionnement technique. C’est aussi la deuxième saison du pôle espoir féminin. Il rassemble les meilleures joueuses du grand Est, soit Alsace, Lorraine et Franche-Comté. Elles ont 5 entraînements par semaine, profite de la présence d’un kiné deux fois par semaine, d’un médecin et d’une spécialiste pour les entraînements de gardienne de but ».

 

Haro sur la mixité

 

Le constat est clair, la pratique féminine prend de l’ampleur. « En 98 il y avait 953 licenciées, aujourd’hui 3500 environ. A l’époque les compétitions concernaient uniquement les cadettes de 16 à 18 ans et les seniors. Toutes les autres filles moins âgées, devaient faire de la compétition avec les garçons ». L’évolution a pris corps il y a quatre ans maintenant avec une évolution des catégories d’âges notamment. « Nous avons réussi à décliner les catégories inférieures avec les moins de 15 ans, les moins de 13 ans et depuis quatre ans les pitchounettes et les poussines. Les filles peuvent ainsi être prises en charge dès 5 ans ». Désormais, une très jeune joueuse peut pratiquer « entre filles ». La mixité n’est plus la règle. « Cette mixité était un frein énorme pour le foot féminin. Nombre de petites filles n’auraient pas souhaité jouer avec des garçons et leurs parents suivaient la même tendance ». Le développement du sport chez les plus jeunes commence à porter ses fruits. « L’an passé nous avions plus de filles qui jouaient entre filles que de filles avec les garçons sur les 5-10 ans. En 2014, nous étions à +40% sur les 5-10 ans par rapport à 2013. +30% chez les moins de 13 et moins de 15, +7% chez les U18 et seniors, dans ce dernier cas la situation se maintient ».

 

Femmes en soutien

 

L’encadrement de la pratique féminine répond à ces critères de développement précis. « L’encadrement féminin est devenu la règle. Nous avons pour cela lancé l’opération « Mesdames franchissez la barrière ». Elle appelle les mamans au bord des terrains à s’investir dans le sport. Elles qui pensaient ne rien connaître au foot se rendent compte qu’elles peuvent faire des choses. Dans le cas des très jeunes joueuses, il ne s’agit de pas de foot à 11 et on ne parle pas technicité. C’est avant tout de l’encadrement d’enfants. De plus, nous avons remarqué que les femmes sont moins axées sur la compétition et plus sur le bien-être de l’enfant ». L’opération, menée depuis cinq ans, permet de recruter chaque année entre 40 et 60 femmes. La prochaine session de formation aura lieu le 14 mars, à la fois à Strasbourg dans le Bas-Rhin et à Illzach dans le Haut-Rhin. « Ce sera théorique et pratique. Nous irons sur le terrain et c’est souvent ce qui fait peur ».

 

 

 

 

 

 

 

Il faut le temps, l’acceptation des clubs. Même s’ils n’étaient pas contre le foot féminin, ils proposaient un jeu en mixité, car c’était logique pour tout le monde. Il faut leur expliquer pourquoi les filles doivent jouer entre elles, pourquoi il doit y avoir des femmes dans l’encadrement. C’est en train de venir. Il y a environ 600 clubs en Alsace, 115 ont des sections féminines et 41 ont ouvert la porte aux 5-10 ans. Pour moi c’est ça la solution. Mon objectif est d’atteindre les 100 sur cette tranche d’âge.

Accession à l’élite

 

Les joueuses commencent à être repérées à l’âge de 10 ans. Il s’agit là d’un « grand brassage ». « Plus pour faire connaissance dans un premier temps. Il s’agit de connaître le niveau de chacune. Nous organisons pour cela un rassemblement annuel par département. Et il y a toujours plus de filles présentes. Cette année nous avons voulu mettre le paquet. Sur les invitations lancées, nous retrouvons environ 25% de filles convoquées chaque année. Cette fois nous visons les 50%. Nous souhaitons savoir comment jouent ces petites filles. Cinq sites seront mis en place pour ces détections, au lieu des deux régionaux auparavant ». L’information sera la première leçon. Le « staff » de la fédération présentera également la suite des événements pour les années suivantes. A partir des 11 ans, des stages de perfectionnement technique sont mis en place. Dans chaque département les vingt meilleures joueuses sortent des sélections. « Cette quarantaine de filles pour la région Alsace se voient ensuite proposer deux jours de stage en période de vacances scolaires. Elles doivent faire connaissance et connaître le discours de la fédération. Certaines d’entre elles sont déjà en section sportive à l’école. Avec les garçons en sixième et cinquième. C’est un plus puisqu’elles ont trois voire quatre entraînements par semaine. En club ce chiffre est ramené à un ou deux ». Il y a entre 25 et 30 classes de sport études sur la région. La mixité reste de mise avant la quatrième et la troisième. « Les 13-14 ans peuvent fréquenter la section sportive entre filles. Ensuite ce seront les toutes meilleures qui intégreront le pôle espoir. C’est-à-dire une ou deux par année d’âge. Entre temps, ces jeunes joueuses peuvent intégrer l’équipe d’Alsace où elles participent à une compétition nationale pendant une semaine ». Prochain objectif pour Sandrine Ringler, développer les sections sportives féminines dès la sixième.

Un parcours, une vision

Quel a été votre parcours dans le football en tant que joueuse ?  

J’ai commencé avec les garçons à l’âge de 6 ans. Il n’y avait pas le choix ou alors il fallait commencer le foot à l’âge de 15 ans pour être entre filles. J’ai joué jusqu’en pupille, à 11-12 ans, avec les garçons, en fait jusqu’à ce que le règlement ne me permette plus de jouer avec eux. J’ai donc ensuite rejoint un club féminin à Hilsenheim dans le Bas-Rhin. Une dirigeante du club m’avait repérée sur les plateaux mixtes à l’époque. Elle était en contact avec mon oncle entraîneur et mon père. Elle a voulu que je rejoigne le club. J’avais un double surclassement, à 13 ans je jouais avec des seniors. Ce qui est complètement aberrant aujourd’hui. Je suis restée 5 ans dans ce club avant de partir vers Strasbourg, l’année du bac pour jouer en première division. Je suis passée d’un entraînement par semaine à trois avec les matchs les week-end. J’ai eu l’aide de mes parents pour me véhiculer depuis mon plus jeune âge. Après il y a eu les sélections nationales, l’équipe de France en même temps. J’étais en espoir de 1990 à 1994 et de 1994 à 1999 en A. J’ai disputé un championnat d’Europe en 1997 en Suède. Cette expérience fut un peu la cerise sur le gâteau. Au final j’ai passé 6 ans à Strasbourg, 2 à Vendenheim et j’ai terminé à Schiltigheim.

 

Quelles étaient vos principales qualités ?

Ce n’était pas forcément la technique, mais une qualité de frappe de balle et une endurance sur le plan athlétique. Et je ne lâchais jamais rien, pour les qualités mentales. Rien n’était perdu d’avance, rien n’était impossible. C’est un trait de caractère que j’ai d’ailleurs gardé aujourd’hui. 

 

Quels souvenirs gardez-vous de l’équipe de France ?

L’entraîneur, Aimé Mignot, était un homme extraordinaire. C’est le premier à me venir à l’esprit. Il réussissait toujours à m’apprendre quelque chose alors que je pensais tout connaître du foot. Il avait toujours une petite phrase qui marquait mon esprit. C’était quelqu’un de très calme et très posé. Il parlait du jeu, du positionnement des joueuses et des aspect tactiques de placement notamment. 

 

Comment passe-t-on de l’amateurisme au haut niveau ?

Aujourd’hui avec un entraînement par semaine ce n’’est plus possible d’y arriver. Les filles qui jouent à haut niveau le font cinq fois par semaine en pôle espoir, voire dans un club même si je n’en connais aucun qui propose ça. Avoir les meilleures joueuses ensemble, ça élève le niveau de l’entraînement. Le haut niveau c’est aussi de l’exigence et du travail. L’erreur de nombre de filles est de se dire que tout est fait une fois l’accès à une structure de type pôle espoir. Mais non, une fois que tu accèdes à cela, tu vas devoir bosser très dur, peut-être plus que les autres. Les séances se déroulent à un rythme effréné et pendant trois ans sans arrêt. C’est un état d’esprit. J’ai eu l’occasion d’entraîner des adolescentes aux Etats-Unis.  J’étais encore en train de mettre mes chaussures, qu’elles sont arrivées et ont directement tapé dans le ballon. En France, les filles discutent en attendant le coach et ne jouent pas. Ici quand je commence l’échauffement c’est à 2km/h, il faut les booster pour que ça se réveille. Là-bas la séance a débuté et c’est parti à 100 à l’heure. L’état d’esprit, d’une fille venue pour l’entraînement et pas pour flâner était réel. Les joueuses françaises, qui sont en pôles, doivent travailler à 100% sur chaque séance. 80% de la réussite viennent de l’état d’esprit. Le reste c’est du talent. 

 

 

 

 

 

Sandrine Ringler à ses débuts